Psaume 99, une réécriture
Prédication
Voilà une prière qui me parle de majesté, de puissance, d’une présence tout-autre que celles que mon esprit peut saisir. C’est que Dieu ne peut ni ne veut être saisi : l’être même de Dieu, c’est d’être libre, pour pouvoir rendre libre.
Voilà une prière qui me parle de grandeur et de révérence, de peur même. C’est qu’une telle liberté fait peur, c’est vrai. Elle fait vaciller en moi le besoin de sentir une terre ferme sous moi pieds. Elle interroge mon propre enfermement, à la fois douloureux et sécurisant. Elle fait brèche. Et je peux m’incliner en signe de respect.
Voilà une prière qui me parle de justice et de droiture. C’est que Dieu est amour, et qu’il n’y a pas d’amour sans justice, une justice qui restaure toutes les personnes concernées, et qui rend possible l’amour. Là encore, cela m’inspire la crainte : une justice qui ne soit pas punition ou vengeance est-elle possible ? Peut-elle vraiment guérir ? Il m’est promis qui oui.
Voilà une prière qui me parle de transmission, d’inscription dans une lignée qui me précède. C’est que Dieu n’est pas mon Dieu à moi toute seule, comme un doudou imprégné de mon odeur. Il est le Dieu de celles et ceux qui m’ont précédée, de celles et ceux qui marchent en même temps que moi, de celles et ceux qui viendront après moi, quand je ne serai même plus un souvenir parmi les humains. Que Dieu soit leur Dieu et mon Dieu est une grâce et un mystère, une interrogation et une inspiration. Leurs mots pour dire cela me sont donnés pour formuler les miens.
Voilà une prière qui me parle de célébrer Dieu, dans les moments heureux comme dans les moments malheureux. C’est que célébrer Dieu ce n’est pas se forcer à la joie quand la tristesse m’habite, ni espérer que cette célébration me vaille son amour. C’est simplement prendre acte que Dieu est là, en tout temps, que je le ressente ou pas, c’est s’en étonner, s’en émerveiller, s’en lasser peut-être parfois. C’est vivre en sachant que je suis voulue, désirée, aimée, et que Dieu célèbre ma présence. Voilà une prière qui me parle de l’unicité de Dieu, de sa sainteté. C’est que Dieu est Dieu, celui dont le nom ne se prononce pas parce qu’il échappe à tous ceux que j’essaie de lui faire endosser. C’est ainsi qu’il m’invite à être moi, ni plus, ni moins, ni autre chose. Juste moi. Unique. Mise à part. Aimée.
Dans les mots de cette prière, montent en moi d’autres mots, écho, résonance, et célébration :
Tu es là mon Dieu. Quand je te vois et quand je ne te vois pas. Dans ma vie et dans celle de tant d’autres, quand ils et elles te voient et quand ils et elles ne te voient pas.
Tu es là, et si tu n’as pas de nom que je puisse prononcer, tu me permets de te dire mon Dieu, et même mon père, mon papa, parce que toi qui peut prononcer mon nom, tu m’appelles ta fille bien-aimée, et que cela fait frissonner tout mon être jusqu’aux larmes, de joie, de peur, de tristesse, de reconnaissance, je ne saurais dire, et peut-être qu’il y a un peu de tout cela.
Tu es là, et tu appelles chaque personne par son nom, à chacune tu dis, mon enfant bien-aimé, mon fils bien-aimé, ma fille-aimée. Ça me dépasse ! Cela les fait-il frissonner elles et eux aussi ? Et comment cela n’ôte-t-il rien à l’amour que tu me donnes ? Je ne comprends pas. Je ne sais pas. Je ne peux même pas toujours m’en émerveiller, parfois ça me fait peur, d’autres fois je t’en veux. Je ne sais pas, je ne sais rien. Je ne peux que le vivre et en témoigner.
Tu es là, et tu cherches la justice. Une justice qui n’est pas la même, une justice infiniment plus juste parce qu’elle cherche la vie. Cette justice-là, elle me bouscule, elle me prend à rebrousse-poil… et elle finit par me faire pleurer de joie devant le chemin inespéré, inimaginable, qu’elle ouvre dans ma vie et dans celle de tant d’autres avant moi et autour de moi.
Tu es là mon Dieu. Et parce que Tu es là, Je suis là et je peux dire : Je t’aime.
Tu es là mon Dieu. Et parce que Tu es là, d’autres sont là, elles et eux aussi. Et avec Toi, je peux apprendre à les aimer.
Amen