Psaume 36 : une magnifique confession de foi
Prédication
Il y a dans une vie des jours qui prennent un relief tout particulier, qui cristallisent un tournant, une étape. Ça a été pour moi le cas d’un dimanche matin de milieu d’été, le jour où j’ai mis pour la première fois les pieds – et le reste – dans un temple réformé. Je me souviens de la lumière, je me souviens de l’accueil chaleureux, des premières paroles prononcées par le pasteur. Et je me souviens du premier chant entonné par la communauté. Dans le feuillet, il portait la mention « chant spontané ». J’ignorais alors que dans cette communauté ça signifiait qu’il était repris plusieurs semaines de suite. Ce premier chant du culte, c’était le psaume 36. Évidemment, je ne le connaissais pas, mais la communauté rassemblée ce matin là, elle, le connaissait bien et chantait avec enthousiasme pendant que je suivais les paroles dans le livre de chants dont je venais d’apprendre qu’il s’appelait un « cantique ». J’ai tout de suite aimé ce chant. Il me parlait du Dieu que j’espérais. Ou peut-être plutôt il parlait du Dieu que je pressentais de la manière que j’espérais. Une mélodie qui me plaisait, suffisamment simple pour que je puisse déjà fredonner le troisième couplet avec mes voisin.es. Et des mots qui m’allaient au cœur : fidélité, bonté, justice, paix, joie, lumière, source de vie, délivrance. Le psaume 36 tel que nous le chantons est en fait une confession de foi, et c’est une des confessions de foi qui me sont chères parce qu’elles me rejoignent particulièrement. Une de ces ressources vers lesquelles je me tourne quand j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose de solide et de stable, quand j’ai besoin de réconfort. Il me parle d’un Dieu fiable, un Dieu qui cherche avec moi, pour moi, la vie et la lumière, qui renverse ce qui doit l’être.
Après ce premier culte je suis revenue les semaines suivantes, et le psaume 36 a été chanté tout l’été. Je l’ai donc vite appris, mélodie et paroles. Il est resté depuis l’un de mes psaumes préférés, avec le 42, dont je vous parlerai peut-être une autre fois et qui était aussi de ces premiers chants que j’ai découverts.
C’est plus tard que j’ai découvert le psaume biblique quand, ayant commencé à lire la Bible, j’en suis arrivée au livre des psaumes. Mon mari se moque parfois de moi, parce que je suis de ces gens qui lisent assez systématiquement la fin d’un livre tout de suite pour pouvoir le lâcher sans rester sur un suspens insoutenable. Mais allez savoir pourquoi pour lire la Bible la première fois je n’ai pas fait comme ça : j’ai commencé par la première page, et je les ai tournées dans l’ordre, page après page. Il m’a donc fallu un peu de temps pour arriver au livre des psaumes.
Et j’ai été plutôt surprise de découvrir que le psaume chanté avait tout simplement fait l’impasse sur la première partie du psaume, celle qui décrit l’humain révolté qui vit sans Dieu et sans conscience de son état de créature, et qui du coup répand l’injustice autour de lui. Cela m’a intriguée. Au premier abord je n’ai pas aimé cette première strophe qui parle d’un méchant. Et puis j’ai rassemblé les premiers outils que j’avais acquis pour lire la Bible : dans ces poèmes que sont les psaumes, comme dans d’autres textes bibliques, on évoque des « types » : le méchant n’est pas une personne en particulier, ni un groupe de personnes, c’est une part qui existe en chacun, en chacune et qui parfois s’exprime très fortement, au point qu’on en oublierait qu’elle n’est pas la seule. Et je me suis dit qu’il m’était arrivé d’être cette méchante-là… et que malheureusement ça m’arriverait sans doute encore. Le Dieu que je découvrais dans la Bible n’était pas un Dieu baguette magique… Et tout à coup cette strophe m’a parlé elle aussi, mise en relation avec la suite du psaume : après la description de cette part méchante présente en moi comme en vous, le psaume enchaîne directement sur cette confession d’un Dieu fidèle et bon, sans passer par la case « menace », « colère » ni « anéantissement ». A l’infidélité qui est en moi, Dieu répond par sa fidélité. A la méchanceté qui est en moi, Dieu répond par sa bonté. À mes mensonges et à mes tromperies, Dieu répond par sa vérité et sa fiabilité. À mes projets destructeurs, Dieu répond par l’amour et la protection pour ce qui vibre de vie, en moi et autour de moi. À mon orgueil, Dieu répond par ses ailes étendues sous lesquelles je peux me réfugier. À mon illusion d’invincibilité, il répond par la main tendue qui me tire du néant.
J’aime maintenant autant la version biblique que la version chantée, chacune avec leur perspective : la version chantée qui me rappelle le fondement de ma foi, et la version biblique qui me rappelle plus intensément encore que mon indignité n’est pas et ne sera jamais un obstacle à l’amour de Dieu. J’y ai découvert encore d’autres trésors en le découvrant dans sa langue originale, difficile à rendre en français car chaque mot a plusieurs sens. Ce psaume m’a accompagné dans différents importants moments de ma vie et il est toujours plus cher à mon cœur.
J’ai découvert hier, en travaillant pour aujourd’hui, que quand Clément Marot a mis les psaumes en vers français pour pouvoir les chanter, il avait gardé la première strophe, qu’il avait traduite lui aussi en la lisant comme parlant non pas d’un méchant hypothétique à l’extérieur de nous, mais bien comme la part méchante à l’intérieur de nous, réconciliant ainsi pour moi la version chantée et la version biblique. Il traduit aussi autrement les mots-clés les plus importants, accentuant d’autres aspects de la polysémie des mots hébreux. Ce psaume n’a pas fini de m’accompagner ni de me surprendre. Je vous propose, exceptionnellement, de chanter à nouveau ce psaume, avec les paroles de Clément Marot :
« si malin le méchant vouloir, parle en mon cœur et me fait voir, qu’il n’a de Dieu la crainte, car tant se plaît en son erreur, que l’avoir en haine et horreur, c’est bien force et contrainte. Son parler est puissant et fin. Doctrine va fuyant afin, de jamais ne bien faire. Songe en son lit méchanceté, au chemin tors s’est arrêté, à nul mal n’est contraire.
Ô Seigneur ta bénignité touche aux cieux et ta vérité dresse aux nues la tête. Tes jugements semblent hauts monts, un abîme tes actes bons, tu gardes hommes et bêtes.
Ô que tes grâces nobles sont aux hommes qui confiance ont en l’ombre de tes ailes ! Des tes biens saoules leurs désirs et au fleuve de tes plaisirs pour boire les appelles.
Car source de vie en toi gît, et ta clarté nous élargit ce qu’avons de lumière. Continue o Dieu tout-puissant, à tout cœur droit te connaissant ta bonté coutumière.
Que le pied de l’homme inhumain de moi n’approche et que sa main ne m’ébranle ni ne grève. C’est fait les iniques cherront, et repoussés trébucheront, sans qu’aucun d’eux se relève. »