Psaume 53 : être libéré-es de ce qui écrase l'enfant de Dieu en nous

Prédication

L’impie dit en son cœur : « Dieu n’existe pas. »

En hébreu ça donne : Amar naval belivo : « Eïn Elohim ».

Cinq petits mots qui ont fait couler des litres d’encre, et des litres de sang.

Des litres d’encre parce que les traductions disent souvent l’insensé, ou l’impie comme celle que j’ai reprise ici : celui ou celle qui manque de raison et n’est donc pas capable de comprendre que Dieu existe. Ça a donné lieu à toute une littérature, particulièrement au Moyen-Âge, autour des preuves de l’existence de Dieu, pour faire comprendre à ces gens que Dieu existe. Des litres de sang parce que quand on mettait l’accent sur l’impiété et sur l’offense faite à Dieu, on en venait vite à vouloir éliminer celui ou celle qui énonçait une telle énormité « Dieu n’existe pas ».

Triste destin qu’a connu ce verset… Mécompréhension de l’hébreu, et mécompréhension du psaume dans son ensemble. Je ne prétends pas détenir ni une connaissance parfaite de l’hébreu – il suffit de descendre la colline pour trouver à la fac des personnes bien plus calée que moi – ni l’interprétation définitive de ce psaume – heureusement pas : ce psaume comme chaque page de la Bible n’est pas fermé, mais ouvert sur une pluralité de sens. Pourtant il y a des choses que je peux dire :

  • naval, qu’on traduit par l’insensé.e ou l’impie est un mot qui appartient au registre de la folie, de la perte de raison. Il ne véhicule pas de jugement moral ni religieux. L’individu.e dont il est question ici est plus à plaindre qu’à punir ou à éduquer. Il est malade.
  • Belivo, en son cœur, désigne, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, le siège de la volonté raisonnée. Ce dont souffre le naval, le fou, c’est précisément d’une volonté déraisonnable, ou déraisonnée. Et cette volonté déraisonnable, malade, c’est elle précisément qui lui fait dire « Eïn Elohim ». Littéralement « Pas Dieu ». En français on est un peu obligé.es d’ajouter un verbe alors on dit souvent « Dieu n’existe pas » On pourrait aussi dire : « Il n’est pas de Dieu ». Ou « Absence de Dieu » ou « Aucun Dieu ». Ces formulations sont pour la plupart moins « définitives » que Dieu n’existe pas.
  • Le nom de Dieu utilisé ici, c’est le pluriel Elohim, ce pluriel qui nous rappeler que Dieu est insaisissable de toute façon, qu’on soit fou ou pas. Plutôt que « l’impie dit en son cœur : Dieu n’existe pas » on pourrait donc traduire, plus proche du sens : « le malade psychique, en sa maladie, dit : « pas de Dieu » ». On ôte ainsi le jugement moral et religieux, ainsi que le côté caricatural de l’affirmation du fou. Et on comprend mieux encore cela quand on regarde l’ensemble du psaume, en même temps que cette archéologie du sens nous aide à mieux comprendre l’ensemble du psaume.
  • Le titre du psaume porte, comme c’est parfois le cas, une indication sur la manière de le jouer : tristement, ou mélancoliquement. Ce n’est donc pas un psaume guerrier, qui lutte contre des ennemis extérieurs, c’est plutôt un psaume de plainte, qui se désole d’ennemis intérieurs. L’imagerie extérieure, autour des enfants des humains, du fou, des assassins du peuple de Dieu, est mise au service de la lamentation du psalmiste et de son espérance : « Oui, l’Eternell réduira en poussière les forces qui ont voulu t’écraser. Dieu n’était pas avec elles ! »

Ces forces qui cherchent à écraser l’enfant de Dieu sont en tout cas déjà intérieures, avant d’être peut-être aussi extérieures. Elles sont dans cette folie qui nous guette à chaque instant : cette tentation de ne voir que les signes de l’absence de Dieu, ce désespoir dont le gouffre s’ouvre devant nos pieds, cette conviction parfois que non, décidément, il n’y a pas de Dieu, sinon il ne laisserait pas tout cela arriver. Le psaume nous rappelle que tout cela nous retient captifs, captives, loin de la source que Dieu est en nous, dans notre vie. Et que, pour échapper à cette captivité, nos forces, notre volonté et notre intelligence seront renforcées par celles de Dieu : c’est lui qui nous ramènera de cette captivité vers notre Jérusalem intérieure, ce lieu où Dieu réside en nous, et alors, ce sera non plus la tristesse, mais la joie ! Le psaume qu’il faut jouer tristement se termine sur cette joie espérée. Ce sont la joie et la fête qui viennent à nous depuis l’horizon ! Une joie et une fête qui ne gomment pas la tristesse et la désespérance, mais qui les tiennent en respect, qui les contiennent et qui nous relèvent !

Amen

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