Jésus est-il injuste ?

Prédication

Quand j’étais au lycée, mon prof de sport avait un système de notation étrange : à la note obtenue, sur la base de la bonne volonté mise au travail et du résultat, il appliquait un coefficient multiplicateur compris entre 0,7 et 1,2 déterminé par un tournoi – les moins bons au tournoi ayant le coefficient 0,7, les meilleurs le coefficient 1,2. Si donc, comme moi, on y a mis un peu de bonne volonté sans grand enthousiasme, et qu’on n’est pas très bien coordonnée, on a une première note autour de 10 sur 20. Et puis on fait ce tournoi, et comme on n’est toujours pas très bien coordonnée, on se retrouve dernière ou avant-dernière du tournoi, et on applique à cette note un coefficient de 0,7 : on se retrouve avec une note finale 7 sur 20. A celle qui n’a pas (de don particulier en sport), on retire même le peu de résultat obtenu… Et inversement celui qui est plutôt bon et y a mis de l’enthousiasme a une note de base de disons 16 sur 20, et se retrouve premier du tournoi. On applique donc à sa note le coefficient 1,2, ce qui lui donne une note finale de 19,2. A celui qui a (du talent et du goût pour le sport), on donne encore et il est dans la surabondance.

Je trouvais ça particulièrement démotivant et injuste. Alors quand Jésus semble tenir le même genre de discours que mon prof de l’époque, ça m’inquiète ! Ce que ma réaction illustre, c’est que nous lisons toujours un texte à partir de nos expériences vécues, de nos blessures, de nos présupposés (car cette situation qui semble anecdotique a vraiment été une blessure pour moi, qui m’a tenue éloignée de toute pratique sportive pendant fort longtemps!!). Pour moi quand je lis une phrase comme ça, tous mes voyants d’alerte intérieurs s’allument…

La différence cependant entre les deux situations, c’est que j’ai une relation confiante avec Jésus : je fais confiance à Jésus et au Dieu qu’il est venu manifester, c’est ce qu’on appelle la foi. D’expérience, les récits bibliques viennent interroger ma vie, mettre en question ces réactions instinctives, pour ouvrir de nouveaux possibles, pas pour m’enfermer dans un condamnation au malheur. Ancrée dans la confiance que je fais à Jésus, je peux donc chercher plus loin que ma première réaction de rejet. D’une certaine façon, le fait d’accepter de chercher plus loin que ma première réaction valide en fait ce qui me hérisse pourtant : c’est bien parce que j’ai déjà une relation confiante que je peux aller plus loin et découvrir de nouveaux trésors… Et donc oui, à celle qui a déjà (une certaine familiarité confiante, basée sur mon expérience et celle de millions de croyants à travers l’espace et le temps, que « le Dieu que me raconte la Bible me veut du bien »), il sera donné une nouvelle confirmation de cette foi ! La confiance et l’amour, se nourrissent du don qui en est fait. La première partie de cette phrase se vérifie donc par l’expérience.

Mais comment comprendre la deuxième partie de cette assertion : « à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré ». ça ressemble à une condamnation sans appel : si tu n’as pas déjà la foi, la confiance en l’amour donné, tu ne l’auras jamais… Jésus n’étant pas adepte des condamnations sans appel, une telle phrase doit donc nous pousser à chercher plus loin. Une première piste, c’est l’absurdité du propos : comment ôter ce qu’il a à quelqu’un qui n’a rien ? Si vous n’avez rien, on ne peut rien vous prendre ! Et d’ailleurs, de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce qu’il s’agit d’avoir ou de ne pas avoir ? Jésus ne parle évidemment pas de notes, ni d’aucun bien matériel. Il s’adresse à ses disciples et il leur dit qu’ils ont déjà quelque chose et qu’il leur est donné en plus, en surabondance, la connaissance des mystères du royaume des cieux. Qu’est-ce qu’ils ont donc, que les foules n’ont pas ? Ils ont une relation avec Jésus, une relation vivante, confiante, nourrie au quotidien, qui s’enrichit de chaque nouveau jour passé avec lui, une relation d’amour. Mais cette relation n’a pas toujours existé sur ce mode : ils ont été rencontrés par Jésus, il les a appelés, et c’est à partir de cet appel que cette relation s’est construite. Il y a eu un don premier. La bonne nouvelle manifestée par Jésus, c’est que ce don premier est adressé à tous et toutes : l’amour de Dieu est donné, il est ce que nous avons et à partir de quoi construire, développer, vivre de la surabondance. Personne n’est dans le cas de celui qui n’a rien ! Il y a toujours déjà quelque chose, quelque chose à partir de quoi grandir. Jésus s’adresse à la foule, certes en paraboles et peut-être pas de façon aussi claire que le voudraient les disciples, mais il s’adresse à elle. Et il le fait de manière à pouvoir être entendu, même si cela paraît étrange à ses disciples. La prophétie d’Esaïe parle de situations qui peut-être empêchent de voir, d’expérimenter cet amour, cette confiance donnée : de ce qui nous bouche les yeux, les oreilles et le cœur. La foule, à laquelle nous ressemblons parfois, est dans cette situation d’aveuglement, de surdité, d’incompréhension. Dans ce type de situation, ce n’est pas un discours intellectuel, un cours magistral, une explication, qui peut percer l’armure, mais bien plutôt quelque chose qui crée la surprise, qui intrigue et qui oblige à sortir de nos sentiers de réflexion creusés d’ornières. C’est le rôle des paraboles, et ça marche : 2000 ans plus tard, ces petits récits intrigants continuent à jouer leur rôle de poil à gratter, à nous interpeller, et à donner un peu de nourriture à cet amour qui est déjà là, donné en premier, et qui ne demande qu’à grandir.

La prophétie n’est donc pas une condamnation, mais un constat : il est des traits de caractère, des expériences, des blessures, qui nous empêchent parfois de voir, d’écouter, de comprendre. Et même une promesse : Dieu vient guérir cela, vient toujours à nouveau frapper, jusqu’à ce que la porte s’entrouvre juste un tout petit peu, et nourrit l’amour qui est déjà là, le fait grandir toujours un peu plus.

Au début de ma relation avec Jésus, de ma lecture des textes bibliques, je n’aurais pas compris, pas voulu comprendre cette parole, tant elle ressemble au premier abord à des paroles injustes et tant elle semblait justifier des situations négatives de ma vie. Et ce n’est pas grave : à ce commencement de mon parcours, d’autres mots m’ont touchée, qui me permettent, un pas après l’autre, d’avancer sur le chemin de la foi, et d’en comprendre d’autres, moins accessibles au premier abord. Ce chemin est unique, propre à chacun et à chacune, mais personne n’y est seul : Dieu toujours nous y précède, nous y invite, un pas après l’autre, dans l’assurance de son amour.

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