Pourquoi Seigneur, pourquoi te tenir à distance ?

Prédication

Pourquoi Eternel.le, pourquoi te tenir à distance ? Pourquoi te cacher au temps de l’épreuve ?

Oui où est Dieu alors que tout s’assombrit autour de Jésus et de ses amis, que l’ambiance se tend ? Où est-il alors que son peuple est opprimé ? Où est-il alors que les autorités s’agitent et complotent pour faire mourir Jésus ? Où est-il quand sa parole est dévoyée pour oppresser au lieu de libérer ? Judas a peut-être lancé ce cri.

Où est-il quand l’épreuve traverse nos vies ? Quand un enfant, une sœur, un père, une amie chère, un frère, meure ? Où est-il quand survient une séparation, un conflit qui use nos forces ? Où est-il quand jour après jour, mois après mois nous sommes tenu.e.s éloigné.e.s de celles et ceux qui nous chers et même des contacts les plus simples et les plus quotidiens ? Où est-il quand l’injustice règne ? Quand le sens des choses vient à manquer ? Peut-être avez-vous lancé le même cri que le psalmiste ?

C’est que la souffrance et l’épreuve font partie de la condition humaine. Elle n’en sont pas le tout bien sûr, mais elles sont inévitables.

Au cœur de la souffrance, de l’épreuve, tout notre être aspire à la fin de cette souffrance. N’importe quoi pourvu que ça cesse. Et une partie peu glorieuse de nous aspire à la vengeance : que celui qui nous a fait souffrir souffre aussi, que celle qui nous a mis en difficulté soit poussée à la chute elle aussi. Et comme le psalmiste il nous arrive de souhaiter que Dieu fasse cesser cela, que Dieu punisse les méchants, comme dans un film. Et quand cela ne se produit pas – comme c’est le cas le plus courant – que faire ? Continuer à prier est une première option, qui peut se décliner dans une négociation avec Dieu. C’est l’option du psalmiste. Il conclue de l’absence d’évolution de la situation, de la continuation de la souffrance, que Dieu s’est caché, éloigné, et donc peut-être ne sait pas ce qui se passe. Il en appelle donc à lui et l’informe de l’injustice qui s’est mise en place. Il prie, il crie vers Dieu, il l’exhorte… et dans la prière un retournement se produit. Le priant s’aperçoit que Dieu n’est pas absent, caché, éloigné, mais qu’il a bel et bien vu ce qui se passe et qu’il a déjà agi, qu’il est déjà présent au cœur de cette situation. « Nos peines et nos tourments, tu les prends dans tes mains. Le malheureux se confie en toi, toi le père de l’orphelin ». Simplement c’est une action autre que celle qu’on attend spontanément quand on est au cœur de l’épreuve : ce n’est pas l’effacement de la situation – l’orphelin reste orphelin, ce n’est pas une action spectaculaire avec son et lumière comme dans Harry Potter – le méchant reste en vie et probablement prospère. Non, c’est une action souterraine, presque invisible : Dieu prend soin des peines et des tourments en les prenant dans ses mains. Prendre dans ses mains, c’est donner une limite, pour qu’ils ne prennent pas toute la place, c’est les entourer de tendresse pour que cette tendresse ouvre un autre horizon, c’est offrir un contact pour que la relation renaisse, c’est offrir de la confiance pour que le malheureux puisse reprendre pied en s’appuyant sur quelque chose de fiable. C’est nourrir les ressources intérieures qui permettront non seulement de faire face pour soi mais aussi d’aller prêter main forte à d’autres. C’est briser les chaînes du mal, et non les auteurs du mal : libérer tout le monde, victime et bourreau, de ce mal qui divise et enferme. C’est un processus qui prend du temps, comme tout processus de fécondité.

Ce psaume, comme tant d’autres, nous invite à faire monter vers Dieu tout ce qui nous pèse, tout ce qui nous entrave, et les sentiments que ces situations nous inspirent : colère, injustice, découragement, honte, dégoût, peur, tristesse, surprise, etc. Il n’y a pas de mauvaise prière, il n’y a pas de mauvais sentiment qu’il faudrait cacher à Dieu. Au contraire, c’est à lui qu’il est possible de tout montrer, non pas parce que ce serait une obligation morale ou un devoir envers Dieu, mais plutôt de la même manière que quand on va chez le médecin il vaut mieux lui dire franchement ce qu’on a comme symptômes, quelles sont nos conditions de vie etc. pour qu’il puisse comprendre ce qui se passe et initier et soutenir le processus de guérison nécessaire. Si on lui cache des choses parce qu’on a honte, non seulement il risque de ne pas nous croire, mais en plus il va être ralenti dans le diagnostic et le traitement et notre santé va continuer à se dégrader. La prière, c’est un peu la même chose, c’est aller en consultation chez Dieu pour qu’il guérisse ce qu’il y a de malade en nous. Et dans la prière déjà quelque chose se passe, comme pour le psalmiste : le cœur et l’intelligence s’ouvrent et permettent d’appréhender les choses un peu autrement.

Judas, lui, a pris une autre option, même si on ne sait pas exactement laquelle. A-t-il tout simplement cesser de croire en Dieu puisque tout tournait mal ? A-t-il voulu forcer Dieu à agir avec éclat en mettant Jésus en danger ? A-t-il perdu patience devant la lenteur du processus de transformation qui s’opère dans la prière ? On ne sait pas exactement ce qui a poussé Judas à livrer Jésus aux autorités, mais il le fait, il prend la décision alors même qu’il est avec Jésus et les autres disciples. La curieuse phrase de Jésus : « ce que tu fais, fais-le vite » souligne que Jésus sait parfaitement ce qui est en train de se passer, mais sonne aussi comme un envoi en mission, presqu’une demande. En tout cas un regard qui suit Judas alors qu’il sort : même alors que la division, l’accusation, se sont emparées de lui (c’est le sens du mot Satan en hébreu), Jésus continue à le regarder, continue à lui parler à lui Judas, à ce qu’il a de plus vivant et précieux en lui, même déformé par ses noirceurs et ses zones d’ombres. Je trouve la même symbolique dans cette bouchée déjà avalée mais que Judas emporte encore avec lui en partant, comme si Jésus lui en avait donné double dose. Au milieu de cette épreuve qu’il traverse, de ce combat qu’il mène et que peut-être il vient de perdre. Quelque chose de l’ordre de la bénédiction lui reste acquis.

Peut-être aurait-il pu prier le début du psaume que nous avons lu, mais n’est-il pas arrivé au bout, à la vision nouvelle de l’action de Dieu au cœur de l’épreuve ? Cela peut arriver, mais la promesse que nous recevons en Jésus, c’est que même alors une Parole nous est adressée, qui nous appelle à revenir et qui nous offre de quoi nourrir ce qui en nous est vivant. Et que même si nous clouons le Fils de Dieu sur la croix, Dieu ne va pas tout raser pour se venger, mais ouvrir le tombeau et le renvoyer auprès de toutes celles et ceux qui auront besoin de sa lumière.

Amen

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