L'ânon qui porta Jésus

Prédication

Une des manières de lire un texte biblique, c’est de se mettre à la place d’un des personnages, ou de plusieurs personnages tour à tour. Se mettre dans sa peau et essayer, depuis cet intérieur, de comprendre et sentir ce qu’il vit. Non pas pour pouvoir jouer son rôle, mais pour voir si cela peut résonner avec notre propre vie. Parce que bien souvent c’est en partant d’une situation particulière qu’on peut atteindre notre humanité commune. Dans ce récit de l’entrée de Jésus dans Jérusalem, nous avons choisi, avec Bruno, de vous proposer de nous mettre ensemble dans la peau de l’ânon. L’âne dans la Bible n’est pas comme pour nous le symbole de la stupidité, au contraire. Il est plutôt le compagnon de travail fidèle, solide, sur lequel on peut compter, ou, s’il est sauvage, le symbole de la force de vie. Il est respecté, honoré, utilisé comme monture princière à une époque où les chevaux ne vivent pas encore en Palestine, et parfois bien moins sourd aux appels divins que les humains qui l’entourent… Alors ce matin, nous vous invitons donc à vous mettre dans la peau de cet ânon, à vous demander en quoi son expérience vous rejoint, de quelle part de vous cela parle peut-être.

**Station 1 : être trouvé par les envoyés de Jésus (Sandrine)**

J’ai à peine trois ans. Trois ans que je suis né dans cette ferme. Et déjà presque un an que je me morfond : je voudrais aider ma mère, qui travaille beaucoup, aider le maître de la ferme, qui a largement du travail pour deux ânes tellement la ferme est grande. Mais je suis trop jeune il paraît ! Trop jeune pour être monté, trop jeune pour porter des lourdes charges. Oh bien sûr j’aide parfois à transporter des choses ici ou là, mais pas trop, pour laisser mon dos se muscler paraît-il. Vous voulez que je vous dise ? Il est déjà assez musclé mon dos, c’est pas quelques semaines qui vont y changer quoi que ce soit ! Là je vois qu’il y a tant à faire et qu’on ne me laisse pas participer, qu’on me dit d’être patient, que mon tour viendra, qu’il faut encore que j’apprenne ceci, que je muscle cela. Pfff… c’est rageant ! Pourquoi on me laisse pas faire ?

ça me déprime ! À force de m’entendre dire que je suis trop jeune pour ceci, pas encore prêt pour cela, depuis quelques jours je sens l’envie de participer s’éloigner. Je me lève sans goût à rien, je traîne au soleil sans rien faire, laissant passer les heures sans même faire attention. Et le pire c’est qu’on dirait que ça arrange tout le monde : je ne suis plus dans les pattes de personne, il n’y a plus besoin de m’écarter, ça fait des vacances à tout le monde. Peut-être que ça serait mieux pour tout le monde que je m’en aille définitivement… mais où ? Y a juste le petit Marc qui a dû me voir m’éloigner de plus en plus ces derniers jours qui a eu l’idée de m’attacher ce matin. Au moins un qui veut pas que je parte. Ou au moins qui veut pas se faire taper sur les doigts par le maître à cause de ma disparition.

Tiens, c’est qui ces deux types ? Sont pas de la ferme en tout cas. De la famille du maître ? Des voyageurs ? Ils viennent par ici en tout cas.

Eh mais, mais qu’est-ce qu’ils font ? Ils me détachent ? Euh… je suis censé faire quoi là ? Je les connais pas moi ces types ! Eh, oh, quelqu’un ! Qu’est-ce que je suis censé faire ?

Ah ! Voilà Marc qui arrive en courant. Qu’est-ce qu’il dit ? « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? »

Donc, c’est bien ce qu’il me semblait, ces gens n’ont rien à faire là, ce sont des voleurs, j’ai bien fait de ne pas me laisser entraîner sans rien dire.

Quoi ? Voilà qu’ils ont le toupet de répondre ? « Le Seigneur en a besoin et le renvoie ici tout de suite ».

Je comprends plus rien, ils viennent donc de la part du maître. Il a besoin de moi, enfin ! C’est pas trop tôt ! Et j’espère bien qu’il ne va pas me renvoyer ici tout de suite, que je vais enfin pouvoir lui montrer à quel point je suis utile !

**Station 2 : être détaché et amené à Jésus (Bruno)**

**Station 3 : être monté par Jésus (Sandrine)**

Ce type à qui ils m’ont amené, il est étrange. Visiblement, c’est lui le chef. Ma mère m’a appris à reconnaître les attitudes des humains, et là je vois bien que tous, aussi bien les deux qui sont venus me chercher que ceux qui l’entourent le regardent comme leur meneur. Dans ce clan là, il a la place dominante. Mais il ne se comporte pas un meneur. À la ferme, le maître ça se voit tout de suite que c’est lui le maître, même si il est seul. Tout son corps clame qu’il est le maître, sa manière de marcher, de se déplacer, de vous regarder, de bouger. Ça se comprend au premier coup d’œil. En tout au premier coup d’œil d’âne ! Mais lui là, il ne se comporte pas comme le maître de la ferme. C’est curieux. Il a juste l’air d’être intensément là, mais hors de toute hiérarchie, je sais pas comment dire.

Eh, voilà qu’ils mettent sur mon dos un manteau. Me dites-pas que… mais si ! Il va me monter ! Enfin un qui a vu mon potentiel, qui me regarde et qui voit ce dont je suis capable, sans s’arrêter à des règles idiotes comme « on ne te montera pas avant tes trois ans, tu es trop jeune ». Gnagnagna, comme si on était pas tous différents ! Des semaines que j’essaie de leur faire comprendre que moi, même si j’ai pas encore trois ans, je suis prêt !

Et voilà, ça y est, il est sur mon dos et je tiens le coup ! Il est même pas lourd en fait.

Allez, en route ! S’ils pouvaient me voir, ils seraient bien étonnés tiens ! Et ma mère serait fière ! Je leur avait bien dit que j’étais capable de le faire !

Il semblerait qu’on va à la grande ville là-bas, là où j’accompagne parfois ma mère et le maître au marché. En fait je sais pas comment je le sais, mais je le sais. Cet homme sur mon dos, il ne fait rien comme le maître de la ferme : il n’utilise pas de mot, pas de coups de pieds ni de rênes pour me dire où je dois aller. Il se contente d’être là, sur mon dos, de savoir où il veut aller, et je sais aussi où il veut aller aller. Je sais aussi qu’il saura quoi faire si je me trompe.

Eh ben y a du monde sur cette route. Ah, ils s’écartent, c’est plus agréable, on peut marcher plus à l’aise. Et ces vêtements sur le sol, ça m’évite les cailloux de la route… parce que… ne le dites à personne mais quand même, avec ce gars sur le dos, c’est vrai que j’ai les pattes qui flanchent un peu, j’ai le pied moins sûr et chaque caillou fait mal. Alors merci pour les manteaux qui adoucissent la route. Et pour la ventilation avec les branches aussi, c’est bienvenu, parce que c’est vrai qu’avec l’effort la chaleur est plus dure à supporter…

Encore que c’est curieux, j’ai l’impression que l’homme que je porte semble s’être rendu compte que je fatigue et s’efforce de devenir plus léger pour que je ne m’effondre pas. Drôle d’impression ! Est-ce qu’on peut faire ça se rendre léger pour celui qui nous porte ? Lui en tout cas y arrive, et je peux passer la grande porte fièrement, sous les acclamations de la foule ! Bon, je sais, ces acclamations sont pour lui, mais j’en prends aussi ma part : j’ai fait du bon boulot, et il est acclamé aussi parce que grâce à moi il a un peu plus l’allure et l’attitude de ce que les gens lui donnent comme place. A pieds il avait juste l’air d’un type pleinement présent. Sur mon dos, il a l’air d’un notable. Avec les manteaux étalés sur notre chemin et les branches agitées autour de nous il a l’air d’un roi.

Nous voilà arrivé semble-t-il, il descend et entre dans cet immense enceinte où le maître de la ferme va parfois sans ma mère et moi.

**Station 4 : retour à la case départ ? (Bruno)**

À lire aussi

Prédication précédente :

« J’ai soif »

« J’ai soif ». Dans le contexte de l’Evangile de Jean, cette petite phrase est particulièrement étonnante. Quand quelqu’un dit qu’il a soif, il dit un manque, une vulnérabilité. Souvent aussi il dit une demande d’aide et derrière le « j’ai soif » il faut entendre « donne-moi à boire ». Or le Jés...

Prédication suivante :

C’est pas moi, c’est lui / c’est elle !

Ce récit a souvent, au fil des siècles, servi d’explication à l’origine du mal. Selon ces lectures, le mal s’est introduit dans le monde suite à la désobéissance d’Adam et Eve, désobéissance qui a entraîné tout un tas de conséquences néfastes dont toute l’humanité porte le poids : risques de la gros...

Voir toutes les prédications