Qui est Dieu pour vous ?

Prédication

Tout à l’heure, dans la liturgie du baptême, j’ai fait la partie facile des présentations entre Gaspard, Victor, et Dieu. J’ai présenté, au nom de l’Église, en votre nom, Gaspard et Victor par leur nom à Dieu. Maintenant il nous reste à faire l’autre bout du chemin : présenter Dieu à Gaspard et Victor. Ce travail-là, ce n’est pas seulement le mien, ce n’est pas seulement celui de leurs parents ou de leurs parrains et marraines, c’est le vôtre, c’est celui de toute l’Église.

C’est le même travail que nous faisons auprès des enfants et des jeunes qui viennent au catéchisme, c’est le travail que nous faisons auprès des adultes qui viennent à telle ou telle rencontre, c’est le travail que nous faisons auprès des familles qui viennent nous demander de l’aide pour traverser une étape, heureuse ou douloureuse, auprès des personnes que nous croisons ici ou là, de nos proches. Je dis nous, parce que là encore ce n’est pas seulement mon travail à moi, ministre de notre Église, ni même le travail de tous les autres collègues, ministres ou animateurs et animatrices. C’est le vôtre aussi, c’est le nôtre, ensemble.

Comment présenter Dieu à Gaspard, à Victor, aux enfants, aux jeunes et aux adultes que nous rencontrons ? Ce n’est pas si facile non ?

Peut-être que pour comprendre un peu comment faire, on peut réfléchir à la manière dont on présenterait quelqu’un qui nous est cher. Par exemple je pourrais dire à mes enfants : « Je vous présente Perrine, une amie très chère de ma vie de jeune adulte, avec qui j’ai traversé joies et peines, et qui en particulier m’a présenté votre papa. » Ou bien je pourrais vous dire « Voici Cybèle, la marraine d’une petite fille qui a été baptisée ici il y a un an et qui est venue ce matin en visite. » Et pour Dieu alors, comment dire ? On peine souvent à trouver les mots pour dire notre chemin avec lui et les images pour exprimer qui il est pour nous.

La Bible nous en donne tout un réservoir, parfois directement utilisable, parfois à prendre comme une inspiration à transposer. Le psaume 23, que Guillaume et Clémence ont choisi pour aujourd’hui, nous dit ainsi, si je transpose un tout petit peu : « Voici Dieu, l’Eternell, il est pour moi comme un berger, quelqu’un en qui j’ai confiance pour m’aider à me sortir des passages dangereux de ma vie. Il est aussi pour moi comme un hôte protecteur qui, quand je me sens abîmée dans ma dignité, me dit combien je suis importante pour lui, aimée de lui, et ça me donne le courage de choisir la vie. »

On raconte que ce psaume – c’est à dire cette prière poétique chantée – a été écrit par le roi David, le deuxième roi d’Israël. David a d’abord été berger quand il était enfant, puis musicien et poète, avant d’être roi. Un roi qui a fait de très belles choses, comme cette prière et bien d’autres, et des choses terribles, comme faire tuer le mari d’une femme qu’il voulait garder pour lui. Un roi qui a connu des jours de joies et de victoires, et des jours de terreur, de danger et de tristesse infinie, comme la mort de son ami le plus cher. Alors quand il nous dit que Dieu est pour lui comme un berger et un hôte protecteur, il ne parle pas dans le vide : ce n’est pas qu’il a eu une vie toute facile, sans douleur, sans danger, sans trahison, sans honte. Non, il a eu une vie faite d’ombres et de lumières, comme tout le monde. Et c’est à partir de son expérience d’avoir traversé tout cela qu’il parle de Dieu comme d’un berger et d’un protecteur.

Que nous disent ces deux images ?

Le berger d’abord. C’est celui qui prend soin de son troupeau, qui connaît ses brebis, ce dont elles ont besoin, leur état de santé, les coins où elles pourront se reposer et se nourrir. Le berger protège son troupeau des dangers, mais sans garder ses brebis sous cloche. Il sait que pour être heureuses et en bonne santé ses brebis ont besoin de découvrir, d’explorer, même si cela les amène dans de sombres vallées où la mort menace. Le berger, c’est aussi celui qui guide ses brebis de sa voix, et non de son fouet, ni de sa laisse. Sa relation avec ses brebis est basée sur la confiance, pas sur la menace ni sur le contrôle. Dieu, nous dit donc David dans ce psaume, veut être pour nous comme un berger : celui qui nous donne la confiance suffisante pour explorer le monde, celui qui nous accompagne partout où nous allons, même quand nous nous trompons, qui nous guide de sa voix vers la vie. Apprendre à connaître Dieu, ce n’est pas recevoir l’assurance qu’aucun malheur ne frappera jamais, ni qu’aucun danger ne se présentera. Mais c’est recevoir l’assurance qu’il sera là, à nos côtés.

L’hôte protecteur ensuite ou un défenseur hospitalier. C’est celui qui, dans la deuxième partie du psaume, prépare pour son invité fragilisé et éreinté par ses ennemis un banquet, qui remplit pour lui une coupe débordante et qui le bénit d’une onction d’huile. En parlant de ses ennemis, comme plus haut en parlant de l’ombre de la mort, David rappelle que la mort, les ennemis et le danger, font bel et bien partie de la condition humaine. Ni le berger ni l’hôte ne les évitent. Mais ils offrent de la ressource et du soin. L’image de l’hôte protecteur permet d’évoquer un autre type de soin que le berger. Le berger est d’une espèce différente de ses brebis, il relève d’un autre type de relation au monde, alors que l’hôte est un être humain, comme son invité, un être humain plus puissant socialement, et qui fait de son invité son égal. L’hôte ici restaure non seulement l’estomac de son invité, mais surtout sa dignité. Ses ennemis l’ont rabaissé, fatigué, fait douter de lui-même et de sa place dans le monde. L’hôte, lui, en l’accueillant comme un invité de marque manifeste au contraire que son invité est précieux à ses yeux, aimé, attendu. La brebis fatiguée et égarée et l’invité méprisé par ses ennemis s’appuient sur un soutient solide et restaurateur qui leur permet de ne pas être écrasés ou anéantis par ce qui leur arrive.

Et David de conclure par l’importance de Dieu pour lui aujourd’hui et chaque jour à venir, comme quand on présente un ami à quelqu’un en soulignant que ce qui nous liait par le passé nous lie encore aujourd’hui et le fera encore demain : « je reviendrai dans ta maison tous les jours de ma vie. » dit David.

C’est ainsi, avec des images parlantes, que l’auteur de cette prière nous aide à mieux connaître Dieu en nous disant qui il est pour lui. Il nous aide aussi à prendre suffisamment confiance en Dieu et en ce qu’il voit en nous pour trouver nos propres manières de parler de Dieu aux enfants de tous les âges, de 0 à 110 ans !

Alors comment diriez-vous Dieu, vous, aujourd’hui ? Qui est-il pour vous ? Bien sûr que ce que vous direz ne dira pas tout de Dieu ! Le psaume 23 ne dit pas tout de Dieu, et même la Bible toute entière ne dit pas tout de Dieu. Mais vous pouvez apporter votre voix à ce chœur de témoins à travers les âges qui disent qui est Dieu pour eux, pour elles, non pas pour se faire mousser, mais pour que d’autres, petits et grands, puissent rencontrer ce Dieu qui les fait vivre.

Comme dans tout chœur, chaque voix compte. Voici mes mots pour aujourd’hui : Dieu est pour moi la voix tendre et forte qui brise les murs de silence derrière lesquels je suis barricadée, loin de lui, des autres, et de moi. Il est pour moi l’élan qui me fait choisir la vie et la relation, face à toutes mes tentations de choisir ce qui éteint la vie et coupe la relation. Il est pour moi la douceur verte de l’herbe sous mes pieds un matin d’automne, la chaleur du feu qui me dégèle un soir d’hiver, la voix dont les « je t’aime » libèrent les larmes qui nettoient toutes mes hontes.

Et vous, comment diriez-vous qui est Dieu pour vous ? Je vous invite chaleureusement à y réfléchir, à laisser venir ce qui viendra, et peut-être à le partager, à la sortie du culte ou plus tard, aussi avec les enfants de votre entourage. Vous aurez peut-être la surprise de vous entendre répondre, comme cela arrive parfois dans les présentations : « Ah oui, je crois que je le connais aussi. Pour moi, Dieu est... » Ouvrez alors grand votre cœur : vous serez des anges les un-es pour les autres.

Amen

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