Psaume 50 : quand Dieu nous rappelle à l'amour

Prédication

Vous pensiez avoir rejoint ce midi la chapelle des Macchabées pour un moment de prière ? Et bien voilà que le psaume du jour vous emmène au tribunal, pour y assister à un jugement. Ce n’est sans doute pas aussi confortable, et ce n’est pas l’imagerie qui nous est la plus familière, en tout cas pas à moi qui n’y connaît pas grand-chose en droit, ni la plus tentante. Mais nous prenons les psaumes les uns après les autres, alors voici l’invitation qui nous est faite aujourd’hui. Dans la confiance qu’un bonne nouvelle se trouve dans chaque page des Écritures, partons donc pour ce tribunal.

La première partie du psaume, avant la pause, plante le décor.

Le tribunal se tient à Sion, la colline de Jérusalem sur laquelle est bâtie le temple. Dans la pensée antique, le temple est le lieu dans lequel la présence divine peut se manifester sans dégâts, de manière cadrée et sécurisée. Nous sommes donc dans ce tribunal en présence de Dieu, sans que cette présence ne risque d’être « trop » pour nous.

Dieu, maître de ce tribunal, a convoqué le ciel et la terre pour l’assister dans ce jugement, peut-être comme huissiers ? Le tribunal s’installe avec un certain protocole. L’interjection « qu’il vienne, notre Dieu », correspond à l’annonce plus moderne « Mesdames et Messieurs, la cour. ». Et Dieu entre, précédé du feu et de l’ouragan. Image impressionnante, terrifiante. À force de mettre en avant la tendresse de Dieu, nous en oublions que la puissance divine peut impressionner, voire faire peur. Dans la pensée antique, on insiste au contraire largement sur le frisson qu’inspire la présence de la divinité, plus que sur sa tendresse. Mais même quand le Dieu biblique se manifeste de manière impressionnante, c’est toujours avec bienveillance. Ainsi si le feu dévorant et l’ouragan sont impressionnants, ils disent deux choses importantes qui vont présider au jugement à venir :

  • le feu nous indique qu’il s’agira d’un jugement purificateur, qui éliminera ce qui doit l’être et laissera le plus précieux, ne serait-ce que la cendre fertile, et peut-être une ou deux pépites d’or ;
  • l’ouragan nous informe que l’Esprit de Dieu, son souffle, est présent dans toute sa puissance de vie.

Arrivent ensuite les accusés : notre moderne « faites entrer l’accusé » se dit dans le langage du psaume : « rassemblez pour moi mes fidèles, qui concluent une alliance avec moi par un sacrifice. » Ceux et celles qui sont convoqué.es sur le banc des accusés, ce sont donc les membres du peuple d’Israël, les héritiers et les héritières de l’alliance conclue avec Abraham. Dernier point avant le début de l’audience : les cieux, un des huissiers donc, rappellent en vertu de quoi le tribunal est juste : « Dieu est juge ». Et Dieu étant juste, l’audience qui va se tenir est légitime.

La deuxième partie du psaume donne entièrement la parole à Dieu, qui s’adresse aux accusés. On pourrait dire que c’est à la fois le réquisitoire, le jugement, et les recommandations d’application du jugement.

Deux paragraphes se succèdent : dans le premier, Dieu s’adresse à son peuple à propos des sacrifices. Le problème n’est pas que les sacrifices sont mal effectués, mais qu’ils sont vides de sens ou plutôt qu’ils sont remplis d’un sens qui n’est pas le bon : on croit offrir à manger à Dieu, comme s’il avait besoin de ça. Dieu rappelle donc que le monde entier lui appartient : il est le dieu créateur. Il n’attend pas des humains qu’ils soient pour lui des maîtres d’hôtels et des échansons, lui préparant le boire et le manger. Le problème des sacrifices offerts au temple tels qu’ils sont dénoncés ici, c’est qu’ils réduisent les humains à des servants de table qui achètent la bienveillance de leur maître en exécutant parfaitement leur service. C’est se tromper complètement d’objectif dit Dieu – je vous rappelle que se tromper de cible, c’est une des significations du mot « péché ». Car si les sacrifices ont un sens, c’est de dire la reconnaissance ou la détresse du peuple qui les offre. Nous qui ne vivons plus dans une société où l’on pratique les sacrifices, on a un peu de peine à comprendre, mais il s’agit en fait, dans le sacrifice d’une partie de ses biens ou de ses récoltes, d’exprimer à Dieu sa reconnaissance pour la vie qui nous est donnée. Si vous voulez, c’est le même mouvement que j’invite les enfants à faire au kt, et qui s’est longtemps pratiqué dans les familles, même si ça s’est beaucoup perdu, et qui consiste à remercier Dieu pour le repas qu’on va prendre et qu’on va partager. C’est le fameux chant « pour ce repas, pour toute joie, nous te louons Seigneur » ou en version ktchips « Seigneur toi qui donnes pâture, aux tout petits, petits oiseaux, viens bénir notre nourriture et purifier notre eau, amen, amen. » En d’autres occasions, le sacrifice est une manière aussi d’exprimer sa détresse. Ici le parallèle qu’on pourrait faire c’est avec les vêtements de deuil : en mettant au placard les vêtements colorés, en choisissant les vêtements noirs, on exprime sa tristesse, on faire le sacrifice de la beauté et de la mode. Dans ce premier paragraphe, Dieu dresse donc un constat : son peuple se trompe d’objectif en effectuant ses sacrifices. Le peuple est coupable non pas de mal faire les sacrifices, mais de mal les comprendre.

Ce que la deuxième étape du jugement, qui concerne l’enseignement des paroles de Dieu, confirme. Ce qui est problématique ici, ce n’est pas de ne pas réussir à mettre parfaitement en pratique les paroles de Dieu, c’est de détester ces paroles, de se réjouir de ce qui leur est contraire. La nuance est importante : le psaume, pas plus que le reste de la Bible d’ailleurs, n’est pas moraliste, il est spirituel. Il invite à une obligation de moyens, pas de résultats. Ce qui compte c’est d’aimer les paroles de Dieu parce qu’elles mènent à une chemin de vie, pas d’être parfaits. La problématique est la même que pour les sacrifices : si l’exécution est parfaite mais fondée sur de mauvaises raisons, tout perd sens. Si tu enseignes bien les mots et leur ordre – par exemple tous les enfants du groupe de kt connaissent les 10 commandements par cœur dans la traduction Louis Segond – mais que tu trouves ces commandements complètement stupides et que tu fais donc en te réjouissant le contraire de ce qu’ils préconisent, tu as manqué le but… Si par contre tu fais le contraire de ce qu’ils préconisent et que tu t’en lamentes parce que tu sais que ces commandements sont pour ton bien, si tu demandes la force d’arriver au moins un peu à les mettre en pratique parce que tu sais qu’ils sont le chemin de la vie, alors tu es déjà sauvé.e. Il s’agit, comme le dit le psaume, de « s’engager sur le chemin ».

Les commandements et enseignements qui sont mentionnés ici sont ceux qui concernent non pas la relation avec Dieu, mais la relation avec les autres humains, frères et sœurs en humanité. Une manière de dire qu’il n’y a pas de relation authentique à Dieu sans relation authentique à nos frères et sœurs en humanité. Ce que Jésus exprimera avec le commandement d’amour : « voici le premier et le grand commandement : tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée – c’est la première partie du discours de Dieu dans notre psaume – et voici le second qui lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même – c’est la seconde partie du discours de Dieu dans notre psaume. ».

Après une mise en scène imposante dans la première strophe du psaume, la seconde nous montre un Dieu juge pédagogue, qui rappelle le sens des choses, et qui se contente d’un « rappel à la loi », ou plutôt un rappel à l’amour ! Le peuple est bel et bien coupable, il y a jugement, et il n’y a pourtant pas sanction, parce qu’il y a amour originel. Il y a rappel de l’amour, exhortation, et invitation : engage-toi sur le chemin. Non pas pour être aimé, mais parce que tu es aimé.e : tu fais partie du peuple de Dieu !

Amen

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