Ma vie de pasteure est rarement un long fleuve tranquille, et je dois dire qu’en ce moment c’est particulièrement chargé. J’ai l’impression de passer mon temps à courir d’une chose à l’autre et il m’est difficile d’être pleinement présente là où je suis tant j’ai la tête pleine de tout ce qui m’attend ces prochains jours et de ce qu’il reste à préparer en vue de cela.
Ce week-end, j’enchaînais en particulier la célébration pour les familles (Bible et aventure pour les mômes – BAM) avec Sainte Cène samedi et le culte de rentrée de la paroisse, avec double baptême et Sainte Cène, dimanche. En arrivant au BAM, j’avais donc la tête farcie de : « j’espère que cette fois la sono ne nous fera pas faux bond », « il faudrait que j’ajoute cette idée à ma prédic », « il faut que je pense à préparer les certificats de baptême », « est-ce que j’ai bien averti les parents que le culte de demain est filmé ? », sans oublier l’organisation des élections des représentants des parents d’élèves au collège de mon fils et encore mille autres choses. Voilà, vous saurez que les pasteur-es (en tout cas moi) n’ont pas toujours la tête remplie de prières et de louanges au moment de commencer un culte !
Heureusement, pour les BAM, je peux compter sur les collègues qui racontent l’histoire et laisser mon petit vélo tourner un peu. Jusqu’au moment où on va avec les enfants dans le coin prière, et là c’est ma responsabilité.
Je vous plante le décor : dans le coin prière de l’Église des Enfants, il y a des coussins en cercle sur lesquels nous nous installons, un tipi avec du sable, un labyrinthe à doigts, des papiers de couleurs pour écrire ou dessiner une prière, des perles de couleurs, un sablier, une bougie, des images… plusieurs propositions pour inviter les enfants à prier, seul-e ou à plusieurs.
Samedi donc, j’ai proposé aux enfants d’utiliser les perles de couleur. Nous avons quatre couleurs : jaune, bleu, transparent et rouge. Le principe est d’associer une intention de prière à chaque couleur, puis les enfants choisissent une ou plusieurs perles et les déposent dans un plat commun qui symbolise le cœur de Dieu recevant toutes nos prières.
Nous avons d’abord discuté pour choisir les intentions et leur associer une couleur. Pour lancer le mouvement, j’ai proposé de prendre une perle jaune pour confier à Dieu une joie, passée ou à venir. Adopté. Puis j’ai demandé quelle intention on choisissait pour les perles bleues. Une petite fille, larmes aux yeux, a proposé de confier à Dieu quelque chose qui nous rend triste. Au tour des perles transparentes. Un petit garçon a proposé dans un murmure à peine audible : pour dire à Dieu que quelqu’un nous manque. Adopté. Restent les perles rouges : pour penser à quelqu’un qu’on aime lance une petite fille. Ou à quelqu’un qui a besoin d’amour ajoute un petit garçon. Entendu. Qui a dit que prier c’est compliqué ? Ou que les enfants ne savent pas prier ?
J’ai alors répété les intentions que nous avions choisies ensemble, émue comme chaque fois par l’intensité que mettent celles et ceux qui proposent les intentions. Et puis on a commencé le tour : chaque enfant, un par un, peut s’approcher des vases où sont les perles et choisir la ou les couleurs dont il a besoin pour sa prière avant de les déposer dans le plat commun. Cela se fait toujours dans un grand calme, dans une atmosphère de concentration et de recueillement. Les enfants savent très bien ce qu’ils veulent confier dans la prière, ils choisissent avec assurance, qui une perle transparente et une perle rouge, qui une perle jaune, qui une bleue et une rouge… Parfois ils ont oublié les associations de couleur et redemandent pour être sûr-es de ne pas se tromper. Pas de hasard ni de jeu, chacun-e sait que ce n’est pas de cela qu’il s’agit à ce moment-là. Certains enfants ne viennent pas prendre de perles, ils restent assis en silence, les yeux fermés, les quelques minutes que dure ce temps priant.
Quand tous les enfants qui le souhaitent ont pu venir, j’ai invité les parents qui le souhaitaient à venir eux aussi, car j’en voyais, très émus, qui avaient visiblement besoin eux aussi de ce temps.
Quelle grâce que ces quelques minutes ensemble devant Dieu, barrières abaissées, sourires et larmes aux yeux, vélo mental arrêté. Gravité et légèreté, intensité et confiance !