J'ai besoin de réconfort

... et ce n'est pas une honte !

Il y a quelques jours, j’ai eu un bref échange avec un paroissien dans le tram, qui souriait de me voir lire Le miracle du réconfort, de Marie Robert. Il m’a demandé moitié sérieusement, moitié par plaisanterie, si c’était de trop lire la Bible ou si c’étaient mes paroissien-nes qui suscitaient ce besoin de de calinothérapie chez moi. Peut-être a-t-il fait immédiatement le lien entre le réconfort et les câlins à cause de la couverture du livre où deux personnes se prennent dans les bras ?

J’avoue que je n’aime pas le ton condescendant que prennent certaines personnes prennent pour prononcer ce “calinothérapie” (dont j’ignore par ailleurs s’il a une orthographe officielle, mais c’est une autre question). Comme s’il était méprisable d’avoir besoin d’un câlin, comme si la tendresse n’avait rien a faire dans nos vies, comme si oser dire qu’on l’apprécie c’était faire un terrible et honteux aveu de faiblesse, alors qu’il faudrait être fort-e, battant-e, dur-e à la douleur, capable de l’encaisser sans broncher et même avec le sourire puisqu’elle est une formidable occasion de progresser, de révéler encore plus de force et de capacité de battant-e… jusqu’au jour où on s’écroule, foudroyé-e, mais digne d’être porté-e en terre avec tous les honneurs dus à notre résistance à toute épreuve.

Vous aurez compris que je n’ai pas tellement d’affinité avec cette vision du monde et de la vie. J’expérimente et j’observe, comme tout le monde, que ma vie est parfois difficile, lourde à porter, que la fatigue y a sa place (ce n’est bien entendu pas la seule réalité : il y a aussi des moments de joie, de légèreté, d’excitation et d’enthousiasme !!). Et ce n’est pas de lire la Bible ni de fréquenter “mes” paroissien-nes (qui ne m’appartiennent d’ailleurs pas, ce sont les paroissien-nes qui fréquentent la paroisse dans laquelle je sers actuellement, même si le besoin de dire les choses plus rapidement mène souvent à ce raccourci un peu douteux qu’iels sont “mes” paroissien-nes) qui fait naître en moi le besoin de réconfort. C’est la simple réalité de la condition humaine, c’est-à-dire le fait d’avoir des limites, physiques, psychologiques, spirituelles, et d’être confrontée à des événements que je n’ai pas choisis, qui parfois me blessent ou m’inquiètent. Toustes nous avons besoin de réconfort, de halte, de moment où l’on reconstitue ses forces (j’ai de plus en plus de mal à dire que je recharge mes batteries : je ne suis justement pas une machine, mais un être humain). Comme tout le monde en fait !

Ce n’est pas une faiblesse que de faire droit à ce besoin, mais une mesure d’hygiène spirituelle. Et je revendique ce mot de spirituel, car le réconfort dont j’ai besoin, dont nous avons besoin, n’est pas seulement physique au terme d’une longue journée, mais il touche toutes les dimensions de notre être, y compris la dimension spirituelle.

La philosophe Marie Robert explore 9 sources profondes de réconfort : la beauté, l’audace, l’émerveillement, l’amitié, le rire, l’engagement, la fiction, les saveurs et l’amour. Des choses qui nourrissent précisément toutes les dimensions de l’être. Il y a d’ailleurs pour moi une dimension spirituelle à la plupart des chapitres. Et j’aoute à sa liste le silence et la prière, qui sont pour moi des temps de réconfort que j’essaie de m’accorder quotidiennement. Une manière d’obéir à l’invitation du Christ: “Venez à moi, vous qui êtes fatigué-es.”

Et s’il vous faut encore un argument biblique pour assumer votre besoin de réconfort, sachez que les psaumes regorgent d’images dans lesquelles Dieu est un refuge, c’est-à-dire précisément un lieu de réconfort, avant de reprendre la route. Parce qu’il ne s’agit pas de rester éternellement au refuge, mais de s’y reposer, de s’y déposer, de se soigner si nécessaire, de se restaurer, et de repartir !

PS : si jamais vous vous posiez la question, nous nous sommes quitté-e en bons terme ce paroissien et moi ;-)

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