Dieu nous envoie annoncer la Bonne Nouvelle

Saint-Pierre, Genève

Prédication

Jérusalem, période perse, 4e ou 5e siècle avant notre ère. Des exilés judéens sont revenus à Jérusalem et ont, malgré les difficultés et les tensions, rebâti le temple de Jérusalem. Dieu peut de nouveau être présent pour son peuple… Pourtant… pourtant Jérusalem est toujours une ville pauvre, dans une province assez misérable, vassale de l’empire perse, ravagée quelques dizaines d’années plus tôt par les babyloniens. Le peuple est toujours mélangé à des peuples qui adorent d’autres dieux, ont d’autres coutumes. Et il n’y a pas franchement d’amélioration en vue ! Pas de perspective d’ascenseur social ni de prospérité économique. Pas de perspective non plus d’un renouveau spirituel fulgurant : malgré le temple à nouveau debout les foules ne se pressent pas sur le parvis pour venir y adorer Dieu ni pratiquer les sacrifices requis. Ils avaient tellement espéré pourtant, ces exilés, en quittant la terre d’exil, tellement rêvé de la terre des ancêtres, d’un avenir meilleur pour eux et pour leurs enfants ! Maintenant le découragement, l’impuissance et la désillusion dominent.

Europe occidentale, 21e siècle. Dans des pays qui sont parmi les plus riches du monde, on découvre que les inégalités sociales se creusent, que les plus riches deviennent toujours plus riches tandis que les plus pauvres deviennent toujours plus pauvres. On commence à prendre conscience, au-delà des cercles scientifiques, des menaces qu’un mode de vie basé sur le consumérisme et l’utilisation massive des énergies fossiles menace la possibilité même de la vie sur terre pour les humains. Les parents prennent conscience que leurs enfants vivront probablement moins confortablement, dans un monde plus conflictuel. On ne sait plus quoi penser ni croire à propos de la vie spirituelle, entre scandales sexuels, mouvements sectaires, et replis identitaires face à des religions perçues comme dangereuses. On avait tant espéré pourtant, après la seconde guerre mondiale, en un progrès qui conduirait les êtres humains vers un futur radieux, un futur d’où pauvreté, injustices, maladie – et pourquoi pas la mort – seraient bannies et où toutes les religions pourraient se rejoindre sur un socle commun et participer à unir les êtres humains. Cruelle désillusion. Sentiment d’impuissance. Tentation de la désespérance et du « puisque tout est fichu, profitons-en un maximum tant que c’est possible ».

Hier comme aujourd’hui, on s’emmène toujours soi-même au bout du monde et dans tous nos enrichissements matériels… Nos blessures et captivités demeurent par-delà les kilomètres et le confort…

Hier comme aujourd’hui, du cœur de chaque marasme, une voix se lève et appelle. Une voix promet : « je conclurai avec vous une alliance éternelle et je bénirai votre descendance. » Vous le savez, la représentation du temps en hébreu est différente du système que nous utilisons en français et ici comme dans tout ce passage d’Esaïe, le temps utilisé suggère une action commencée, et toujours en cours de réalisation. C’est que cette voix est celle d’un Dieu présent auprès de l’humanité depuis de nombreuses générations et que cette alliance et cette bénédiction ont concerné déjà toutes ces générations, nous concernent, et concerneront les générations à venir, quel que soit leur nombre et leur durée. Sur cela, nous pouvons fonder notre vie personnelle et collective. Pas sur l’illusion d’une vie humaine sans problème, sans maladie ni deuil, sans ténèbre, une vie dont le confort matériel sauverait de la peur, de la tristesse et de la violence qui nous habitent. L’alliance et la promesse n’ont pas une fonction de protection magique, ni de dissuasion vis-à-vis des personnes qui pourraient nous vouloir du mal. Elles ont une fonction guérisseuse et nourricière, donnant la force et la résilience nécessaires pour traverser les difficultés. Une fonction de guidance aussi parce qu’elles pointent une direction à prendre pour vivre au mieux comme bénéficiaires de cette alliance et agir en faveur de la vie. Et oui, s’appuyer sur ce fondement-là change tout ! Nous connaissons tous des personnes qui, malgré les deuils, les maladies, les petites et les grandes difficultés de la vie comme elle est, gardent la force de voir ce qui va bien, de s’en émerveiller et de s’appuyer dessus pour trouver un chemin dans toutes leurs impasses. Et nous connaissons aussi des personnes à l’inverse qui, à la moindre difficulté, petite ou grande, s’épouvantent, se désespèrent et s’effondrent. Dieu n’est-il présent que pour les premières ? J’ai confiance que non : il est présent pour chaque personne. Mais, pour une foultitude de raisons, certaines personnes n’arrivent pas – pas encore ai-je envie d’espérer – à s’appuyer sur cette parole de vie. Ma foi et mon espérance, c’est que la Parole de vie est là pour elle aussi, et qu’elle agit, de manière encore invisible… comme un médicament qui n’agit pas juste au moment où vous l’absorbez. Oui, cette Parole résonne, et elle agit : « je conclurai avec vous une alliance éternelle et je bénirai votre descendance »

Et cette voix qui se lève quand le découragement nous met à terre, elle ne résonne dans le monde qu’à travers des voix humaines, des mots humains, des actes humains, des vies humaines. Le texte d’Esaïe, qui appartient à l’un des moyens qu’a cette voix de se faire entendre, nous le rappelle très concrètement. La voix de l’Eternell y résonne à travers la voix d’une personne qui se lève et dit « L’Esprit de l’Eternell Dieu est sur moi, il m’a choisie pour son service. Il m’a donné pour mission d’apporter aux pauvres une bonne nouvelle, et de prendre soin des désespérés. » Qui est cette personne ? Ce n’est pas dit. Ce n’est volontairement pas dit. Pourquoi volontairement ? D’abord parce que ce qui importe, c’est qu’à travers cette voix on entend celle de l’Eternell Dieu. Mais aussi parce que cette personne n’est pas une personne unique qui a vécu il y a plus de vingt siècles ! Déjà à l’époque, ce n’était pas une personne unique mais un ensemble de personnes. Et depuis, jusqu’à aujourd’hui, cela été de nombreuses personnes. Jésus bien sûr, qui lit ce passage dans la synagogue de Nazareth au début de son ministère public dans l’évangile de Luc et qui est celui qui a vécu ce « il m’a envoyé » pleinement. Mais aussi tant d’autres, à travers les siècles, jusqu’à aujourd’hui qui sont choisi.es par l’Eternell Dieu pour annoncer la bonne nouvelle, à leur manière, là où ils sont, à celles et ceux qui d’une quelconque manière ont besoin d’être rendu.es à leur dignité, relevé.es, soigné.es, libéré.es, ouverts à la joie et à l’espérance. Qui sont ces personnes qui sont choisies et envoyées ? Vous, moi, bien d’autres. Car il y a bien des manières d’annoncer l’Evangile, et la seule n’est heureusement pas de monter en chaire le dimanche matin à St-Pierre ou ailleurs. Vous annoncez l’Evangile à chaque fois que vous essuyez les larmes d’un frère ou d’une amie et que vous écoutez sa tristesse, à chaque fois que vous montrez à une personne croisée dans la rue que, quelque soit ce qui vous sépare, elle est aussi humaine que vous l’êtes, à chaque fois que vous souriez avec le malade qui respire encore une fois, à chaque fois que vous souriez devant la beauté d’un lever de soleil derrière le Mont Blanc, que vous jouez avec un enfant, et tant d’autres fois encore ! Les pasteurs, diacres, et autres chargé.es de ministère ne sont pas les seuls choisi.es par Dieu pour annoncer la bonne nouvelle, nous ne suffirions pas à la tâche… Nous l’annonçons à notre manière, qui est de célébrer, visiter, enseigner, pour que chacun.e vous puissiez l’annoncer à votre manière là où vous êtes, à celles et ceux qui vous sont confié.es. Tous et toutes, nous avons la possibilité et la responsabilité d’annoncer cette bonne nouvelle de l’amour de Dieu, de partager nos joies, même modestes, notre foi, même vacillante, notre espérance, même fragile, notre amour, même maladroit, avec toutes les personnes que nous croisons. Il y a bien des manières de le faire. Quelle sera la vôtre aujourd’hui ?

Et, tous et toutes, au moins aussi souvent que nous recevons l’appel à annoncer la bonne nouvelle, nous avons besoin de la recevoir ! Car ni vous ni moi ne sommes libéré.es de tout, consolé.es de tout, guéri.es de tout… nous restons de simples être humains, comme toutes celles et ceux qui ont annoncé la bonne nouvelle avant nous, comme toutes celles et ceux qui l’annonceront après nous. Le Christ étant la seule exception, parce qu’il n’a pas seulement annoncé la bonne nouvelle, il l’a vécue et incarnée jusqu’au bout.

Quand on le lit un peu vite, on voit dans ce texte deux groupe : un qui comprend la ou les personnes qui annoncent et un autre qui comprend toutes les autres personnes. Nous avons tendance à séparer le monde entre ceux qui aident, et ceux qui ont besoin d’être aidés, entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas et ont donc besoin d’être enseignés. La vérité, c’est que – encore une fois à l’exception du Christ – nous sommes dans les deux camps ! Et le texte d’Esaïe nous le rappelle clairement : « Je suis envoyée pour apporter un réconfort à celles et ceux qui sont en deuil. Ils portent le deuil de Sion, mais j’ai mission de remplacer les marques de leur tristesse par autant de marques de joie : la cendre sur leur tête sera remplacée par un splendide turban, leur mine douloureuse par une huile de joie, leur air pitoyable par un habit de fête. » et dans le même temps cette personne envoyée redit : « Mon Dieu me remplit de bonheur, car le secours qu’il m’accorde est un habit dont il me revêt, le salut qu’il m’apporte un manteau dont il me couvre. J’ai la joie du jeune marié qui a mis son turban de fête, de la fiancée parée de ses bijoux. »

Avez-vous noté l’importance du vêtement de fête ici, et plus précisément du remplacement de l’habit de deuil par l’habit de fête ? Ce changement d’habit signe la transformation apportée par la Parole de Vie, et l’émergence de la joie engendrée par la libération et la guérison. Si on nous a dit et répété que l’habit ne fait pas le moine, ici l’habit marque un chemin de transformation en cours. Un chemin reçu comme un don : l’habit qu’il faut revêtir est un cadeau, et c’est peut-être ce cadeau-là qui est le plus précieux de ceux reçus à Noël ! Nous avons reçu un habit que fait de nous des fils et des filles de Dieu, des porteurs et porteuses de lumières et de vie. De cela, nous pouvons rendre grâce chaque jour.

Amen

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